Epique Halloween

Cette année c’est ma coéquipière pour le projet Mystérieuses Lucioles qui m’a inspirée pour mon conte d’Halloween.

Lullaby était coincée.

Coincée dans un monde si laid, qu’elle n’osait pas le regarder. Un monde pailleté et coloré où l’on sautait sur des nuages en mousse.

Comme Heimdall, Lullaby était une gardienne ; la Gardienne du passage vers le Monde des Cauchemars.

Ce soir, nous étions le 31 octobre, la nuit d’Halloween ; tous les monstres terrestres viendraient faire la fête au pays des Cauchemars.

Lullaby était coincée. Coincée… au Pays des Rêves !

*

Qu’avait-elle fait ?! Une belle bêtise ! Mais pourquoi diable s’était-elle laissée aller à rêver ? Hum… quelle idée !

Maintenant, il était temps de prendre les choses en main et de sortir de ce Pays nauséabond.

Elle osa relever la tête. Un énorme ballon rouge lui arriva sur le visage qu’elle s’empressa d’enfouir dans ses mains. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, un petit humain lui faisait face à quelques mètres. Par des gestes, il lui demanda de lui renvoyer l’objet. Elle découvrit une rangée de dents tranchantes, mais l’enfant lui sourit. Quel petit effronté ! Quelle grossièreté ! Quelle regrettable erreur de la part de ce porcinet !

Lullaby contourna fièrement le ballon en fixant le petit humain de ses yeux jaunes vénéneux. L’enfant n’y prêta pas attention et vint récupérer seul son jouet. Lullaby sentit la colère monter en elle. L’incompréhension aussi. Mais quel est donc cet endroit où on ne respecte pas les Monstres ?

La Gardienne n’eut pas d’autre choix que de visiter ce pays afin d’en trouver la sortie. A force de tourner et de chercher, on finit par la remarquer. On voulut jouer avec elle, parler avec elle et toucher son visage étrange. Morsures, griffures, coups de tête : rien n’y faisait ; on venait toujours vers elle  et personne n’avait peur ! « Diable quelle horreur ! pensa Lullaby en frissonnant. Si un jour je croise Satan, je lui parlerai de cet endroit dément. »

En traversant un parc à la pelouse rose cochon, elle entendit sonner six heures. La nuit commençait à tomber et les « gens » rentrait quelque part qui devait être chez eux. Elle se dit que la nuit serait plus tranquille et que personne ne viendrait la déranger dans ses recherches. Quelle naïveté, Lullaby !

A peine le Soleil s’était-il couché, qu’une cohorte d’anges poupons et de fées élégantes envahirent les lieux. Horrifiée, Lullaby se cacha derrière un arbre, espérant ne pas se faire repérer. Mais un ange blond, sans doute plus intelligent que les autres, vint la déloger. Avec sa trompette en or, il lui susurra une horrible berceuse qui fit couler des pétales de rose d’on ne sait où. Lullaby hurla. Elle courut, courut poursuivie par l’infâme ange poupon au sourire figé comme un clown de cirque.

Quand elle se retournait, la Gardienne le voyait voleter dans le ciel sans nuages, sans pluie et sans fantômes. Soudain, elle se retourna comme une furie et arrêta l’ange, le pointant du doigt avec un ongle pourri :

« Mon cher ami, tu me saoule, je préfère le murmure des Goules ! Aujourd’hui c’est Halloween, pas de place pour le spleen ! »

Alors, avec une révérence bien basse, l’ange poupon s’en alla avec sa berceuse enfantine.

*

Lullaby était enfin seule. Elle pouvait terminer son exploration. Mais où diable était donc la sortie ? Après le parc, elle dépassa des endroits étranges où de petites humaines montaient des licornes colorées. Où de petits humains se battaient avec des hommes en capes. On souriait. On se tapait dans le dos. On s’embrassait. On se cajolait. On riait. On…

Stop !!

Lullaby s’allongea sur le sol. La tête lui tournait et elle avait envie de vomir. De nouveau, elle entendit sonner l’horloge. Il était huit heures. Dans deux heures, la soirée d’Halloween débuterait et si elle n’était pas à son poste, Lullaby serait rayer du monde des Cauchemars. Où irait-elle ? Avec qui partagerait-elle ses journées ? Plus de vampires ni de fantômes. Ni mêmes les fées noires un brin maniérées, mais si délicieusement belliqueuses. Oui, où irait-elle si…

« Oh que Jack O’Lantern me vienne à l’aide !! Vais-je donc finir dans ce maudit pays ?! »

Mais oui, ça serait sans doute sa punition pour avoir déserter son poste !

Lullaby se redressa immédiatement. Elle prit son courage à deux mains, bien qu’il ne lui en restait qu’une, et fonça comme une furie à travers le Pays des Rêves. Tout en marchant, cherchant, fouinant, cassant, elle se répétait sans cesse :

« Vite, vite, faites que je trouve la sortie ! Vite, vite, je veux revoir mon pays ! »

A force de souhaiter, à force de (oui disons-le !) rêver de rejoindre sa patrie, à force de rêver si fort, tout le Pays des Rêves s’arrêta de tourner et devant elle apparut la porte tant désirée.

A bout de souffle, Lullaby poussa le lourd portail et fut aspirée par un tourbillon de nuages roses cochon.

*

La boue amortit sa chute. Elle se trouvait dans un marais puant.

Des chouettes hululaient. Le Soleil s’était couché depuis bien longtemps et une belle Lune blanche brillait.

Lullaby huma l’air avec délice : elle était chez elle !

Elle apercevait le pont suspendu dans les airs menant au Pays des Cauchemars. Elle voyait sa petite lanterne biscornue dont la lumière venait d’une centaine de lucioles, ses compagnes de nuit.

La Gardienne se releva aussi vite que possible malgré la boue qui collait à ses vêtements. Déjà, elle entendait le brouhaha des monstres qui se dirigeaient vers le pont. Elle trébucha. Vite, elle devait être prêt quand le premier monstre montrerait sa tête. Arrivée au début de la passerelle, elle nettoya ses pieds et s’avança. Quel plaisir de se retrouver ici, suspendue au-dessus du marais où les crapauds bluffe déployaient leur gorge humide !

Comme elle le faisait chaque nuit d’Halloween, elle appela ses camarades araignées pour qu’elles prennent place dans la vieille harpe tordue et jouent l’air d’entrée : la Marche des Monstres ; un classique.

Lullaby enleva la boue de ses vêtements puis les lissa avec précaution. Enfin, elle leva les yeux.

Face à elle, vampires, goules, loups garous, fées et elfes noirs, fantômes et dames blanches, s’avançaient joyeusement vers le pont. Fière, la Gardienne se redressa, prête à les accueillir. En soupirant, elle se dit : « N’est-ce pas le plus beau pays ? Le pays le plus merveilleux où tous les monstres sont heureux ! »

021-Dans-la-brume

Mais soudain, levant les yeux au ciel elle sourit.

Car oui, n’est-ce pas grâce au Pays des Rêves que Lullaby est ici ? Ce pays si laid, pailleté et coloré où l’on saute sur des nuages en mousse…

JOYEUX HALLOWEEN!!