[CONTE DE NOËL] Une gourmande hibernation

Voici mon conte de Noël 2019 inspiré d’une illustration trouvée sur Pinterest.

JOYEUX NOËL A TOUS!

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Riruk et Obul habitaient dans la forêt Greymark, comme tous les autres lutins de Noël. Et comme tous les autres lutins de Noël, ils étaient en charge d’une tâche bien précise : eux s’occupaient de la forêt pendant l’hiver.

Frères, ils ne se séparaient jamais et parcouraient ensemble l’immensité de la forêt de début novembre à fin mars. Chacun avait une spécificité : Riruk s’occupait de la flore et Obul de la faune. Les règles étaient bien établies depuis des siècles et tout fonctionnait toujours pareil chez les Lutins de Greymark.

Mais un jour, Obul décida de changer sa façon de faire et les Lutins n’y étaient pas du tout préparés…

*

Obul avait franchi la limite : il s’était rendu dans le Pays Sauvage, là où les Hommes fêtent Noël à leur façon. Pendant des heures, il avait observé les préparations, les décorations, les menus et illuminations. En rentrant à Greymark, il avait longuement réfléchi et avait fait part de ses découvertes à son frère. Riruk eut un accès de colère – assez fréquent chez les Lutins – et s’insurgea contre les mauvaises idées d’Obul : non, il fallait faire comme on avait l’habitude de faire et comme on avait toujours fait ! Mais l’audacieux Lutin n’était pas certain que ne jamais changer sa façon de faire allait mener les Lutins bien loin.

Obul ne tint pas compte des remontrances de son frère et il décida que pour la première fois, il ferait différemment à Noël. Il s’enferma dans son atelier ; une cabane biscornue tout en haut du chêne abritant la colonie, et commença diverses préparations. Plus la semaine avançait, plus Noël approchait et plus les jeunes Lutins venaient fouiner autour de son atelier pour découvrir ce qui se tramait. Bien sûr, Riruk avait compris le manège de son frère et chaque matin, il prenait bien soin de lui remonter les bretelles.

Bientôt, toute la colonie fut au courant ! Au courant qu’Obul voulait faire différemment. On vint taper aux carreaux de son atelier, cogner à sa porte, sauter devant ses fenêtres pour l’empêcher de continuer, mais rien n’y fit : Obul ne changea pas d’avis. Les Lutins de Greymark continuèrent de leur côté leurs activités habituelles de Noël, mais voyant l’un des leurs faire autrement, ils s’ennuyèrent bientôt et l’on vint chercher conseil auprès du Lutin malin. Riruk se désespérait : si les Lutins commençaient à changer leurs activités, toute la forêt en serait perturbée !

Mais Riruk avait-il raison de s’inquiéter ?

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Obul proposa à chaque Lutin et en fonction de sa spécialité, de nouvelles idées pour le Noël à venir. Chacun mit beaucoup de cœur à l’ouvrage. Les arbres chuchotèrent entre eux et partagèrent la nouvelle aux quatre coins de la terre.

Lorsque Noël pointa le bout de son nez gelé, Obul dévoila ses créations : de belles préparations gourmandes pour les animaux de la forêt en pleine hibernation ; de petits cadeaux en quelque sorte, comme les Humains s’offraient entre eux, car d’après ce qu’il avait vu, cela faisait très plaisir.

Dans une longue procession, les Lutins suivirent Obul auprès du premier animal qui recevrait son cadeau : l’Ours bien mal léché de Greymark. Riruk, une pelle à la main, suivait son frère de près, car il avait peur qu’il se fasse dévorer. Obul, comme le Lutin poli qu’il était, frappa à l’entrée de la grotte de l’Ours qui grogna de déplaisir.

L’inventeur creusa un petit trou ; par la barbe de Merlin !

Juste au-dessus de la tête de l’animal et y glissa sa main ; par la barbe de Merlin !

Juste au-dessus de la tête de l’animal et y déposa son cadeau : un pot de miel de sapin.

Surpris, l’Ours glissa un œil à travers le trou et se retrouva nez à nez avec Obul qui resta pétrifié. Riruk allait donner un bon de coup de pelle sur le prédateur quand ce dernier frotta le bout de son museau sur le bonnet d’Obul : le cadeau était accepté !

Alors toute la nuit, Obul et les Lutins Greymark rendirent visite au Renard, au Blaireau, à la Chouette; à tous les animaux de la forêt dont ils prenaient soin. Chacun reçut un petit paquet ; un petit présent qu’Obul avait confectionné spécialement pour eux. Quelque chose de simple ; un tout petit rien pour rendre leur hibernation un peu moins morose.

Et les arbres de chuchoter entre eux pour partager la nouvelle aux quatre coins de la terre…

*

Les Lutins trouvèrent les nouvelles idées d’Obul vraiment charmantes. Riruk le premier pris part au changement ; tout excité par ces nouveautés : il décora les plus beaux arbres de la forêt de guirlandes colorées. Les végétaux en frissonnèrent de plaisir !

Tout cela a-t-il vraiment changé la vie des Lutins ?

Eh bien l’année suivante, ayant eu vent de ces petits êtres pleins d’idées, un grand monsieur à la barbe blanche rendit visite à la forêt Greymark et décida que jusqu’à la fin des temps, ces Lutins seraient les créateurs attitrés de ses milliers de jouets. Car avec autant de nouvelles idées, son traîneau ne désemplirait jamais !

On acclama Obul, le Lutin qui avait rendu l’Ours mal léché tout mielleux et on nota dans la constitution des Lutins Greymark que changer ses habitudes de temps en temps n’était finalement pas une si mauvaise idée…

[CONTE D’HALLOWEEN 2019] La potion d’Astrid Mandragore

Et voici mon petit conte d’Halloween pour 2019, inspiré d’une illustration de la très talentueuse Laure Soulé

Bonne lecture!

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Pour valider sa dernière année d’école de magie, Astrid Mandragore devait, comme tous les autres chats de sa promotion, passer un ultime test le jour de la fête d’Halloween : la réalisation d’une potion magique ; la plus parfaite qu’il soit.

Mais Astrid avait un petit problème.

La jeune apprentie magicienne était pleine de curiosité et d’imagination, mais pas très douée dans la réalisation de sort. De plus, sa fourrure, toujours touffue et emmêlée devait constamment être peignée, même en classe. Sa couleur grise comme la cendre n’arrangeait rien et elle voyait bien les regards que les autres élèves lui lançaient. Sans méchanceté bien sûr, mais elle avait bien compris sa différence.

Dernière de sa promotion, elle ne pensait pas réussir cette ultime épreuve, elle qui avait passé in extremis ses deux premières années. Sa grand-mère, Albertine Mandragore avait un jour été la directrice de la prestigieuse école Ronron et sa petite-fille voulait suivre l’exemple de son aïeule que tous les étudiants lui mentionnaient sans arrêt.

*

Le soir d’Halloween, on convia les apprentis magiciens de dernière année dans le grand parc. Tous les autres élèves étaient réunis pour l’occasion ; pour voir réussir leurs aînés et ainsi marcher dans leurs pas.

Astrid portait son plus beau chapeau ; son chapeau de fête préparé pour l’occasion. Avec sa meilleure amie, Jacinthe, elles vérifièrent consciencieusement que toutes leurs affaires étaient sur elles: sacoche pour les herbes ramassées, lanterne, chaudron miniature pour mélanger la mixture et bien sûr leur baguette magique.

La soirée était particulièrement humide avec un vent mordant qui tourbillonnait tout autour du grand manoir Ronron. Heureusement pour elle, la jeune magicienne portait un joli manteau d’hiver offert par sa grand-mère. Elle espérait qu’il lui porterait chance pendant l’épreuve…

La directrice de l’école, Pimprenelle Chanteclair, donna ses directives : il fallait être rentré pour minuit, heure à laquelle la fête d’Halloween débuterait et réaliser sa potion au cœur même de la forêt sans demander d’aide. Des corbeaux veilleraient à la bonne tenue de l’examen. Astrid et Jacinthe s’étaient promis de trouver un moyen d’aider l’autre si jamais un problème survenait et la jeune chatte ne comptait pas déroger à son pacte.

*

L’épreuve avait commencé depuis une quinzaine de minutes lorsque les professeurs lancèrent un sort pour mettre en difficulté leurs élèves. Le froid s’aggrava en quelques instants avec de violentes bourrasques qui faisaient vaciller les participants. Certaines mains se raidirent ; des nez se congelaient et des perles de glace se formaient dans les poils des jeunes chats.

Astrid et Jacinthe marchaient contre le vent, en marche arrière donc, pour espérer contrer ces effets. Mais ramasser des plantes en marche arrière n’est pas si facile que ça ! Pourtant, les deux jeunes chattes s’en sortaient plutôt bien.

Jusqu’à ce que Jacinthe tombe sur une magnifique branche de gui…

L’apprentie magicienne se retourna. Le vent s’engouffra dans sa fourrure et sous son chapeau pointu. Elle avait oublié de se couvrir et des stalactites poussèrent immédiatement sur ses oreilles. Jacinthe frissonnait, incapable de bouger.

Dans son douillet manteau et avec son indomptable fourrure, Astrid, elle, ne sentait pas le froid. Elle se précipita pour récupérer la branche de gui puis égrena les boules dans la sacoche de son amie.

Tout autour d’elle, les autres élèves avaient le même problème : piégés par la tempête invoquée par les professeurs.

*

Alors Astrid Mandragore eut une idée.

Dans sa sacoche, elle ramassa le plus de plantes possible alors que le vent la poussait de droite et de gauche. Elle prit les chaudrons de tous les participants, les réunit au centre de la forêt alors que les corbeaux tournoyaient au-dessus d’elle en croassant violemment. Elle mélangea toutes ses herbes dans les chaudrons, maîtrisa un superbe feu et fit chauffer sa décoction.

Elle aligna toutes les lanternes autour de sa préparation et quand de la fumée s’éleva des dizaines de chaudrons, Astrid sortit sa baguette magique, taillée dans une branche d’aubépine.

La jeune chatte respira lentement, ferma les yeux et récita la formule magique.

Oh une formule magique, bien simple, utilisée par sa grand-mère quand on avait un bon gros rhume dans la famille ! Une formule magique qui transforma la décoction d’Astrid en une incroyable potion contre le froid.

Le liquide de chaque chaudron s’éleva en colonne au-dessus de la forêt pour retomber sur les participants, chassant le froid mordant et le vent violent. Dans le parc du manoir, les professeurs et les autres élèves furent projetés à terre.

Quant aux dernières années, ils reprirent leurs couleurs, leurs sensations et leurs activités. Mais Astrid fut immédiatement encadrée par les corbeaux espions qui la menèrent aux professeurs, malgré les protestations de Jacinthe.

Alors qu’elle traversait la forêt, tous les élèves de dernière année s’arrêtèrent pour la regarder passer. Un par un, ils retirèrent leur chapeau et s’inclinèrent devant Astrid Mandragore et sa fourrure en bataille.

*

Ce serait un mensonge de dire qu’Astrid ne fut pas punie, mais la jeune chatte ne fut pas disqualifiée.

Non.

Car un bon magicien sait préparer toutes sortes de potions, y compris des toutes simples contre le froid ! Mais ce que les professeurs retinrent surtout c’est la force avec laquelle la jeune Astrid avait repoussé la tempête qu’ils avaient invoquée, car pour ce faire il fallait avoir de puissants pouvoirs…

*

Le soir, juste après le grand bal d’Halloween, Pimprenelle Chanteclair convia la jeune chatte dans son bureau. Et devant son grand miroir magique, la directrice lui demanda de bien se regarder: Astrid n’était-elle pas la digne héritière d’Albertine Mandragore ?

[PUBLICATION] La Maison Okola et autres contes délicats

C’est aujourd’hui que sort mon second ouvrage aux éditions du Lumignon; toujours 10 petits contes animaliers et toujours avec Sanoe

http://editionslumignon.fr/categorie-produit/precommande/ Après le thé, c’est parti pour une grande aventure chocolatée!

Bonne lecture à tous et bonne dégustation! 

[HISTOIRE HALLOWEEN 2] Il était une fois l’Automne

En hommage au magicien de Lobel…


Il y avait une fois, une Fée.

Une petite Fée muette qui passait son temps à rêver.

Une fée appelée Citrouille.

Elle avait beaucoup de difficulté à s’intégrer dans la société des Fées, car elle avait du mal s’exprimer et à se faire comprendre. Ne sachant parler, elle écrivait et dessinait beaucoup. Elle inventait toutes sortes d’objets, de machines, de décorations… Elle avait beaucoup d’idées ! Mais ça ne plaisait pas trop qu’une Fée aussi jeune se mêle des affaires de la société et tente de la changer.

Les idées de Citrouille lui jouaient parfois de mauvais tours. Elles venaient à se matérialiser quand elle n’avait pas encore terminé ou prenait la poudre d’escampette à peine avaient-elles été réalisées. Citrouille dormait mal et n’arrivait pas à expliquer à ses parents tout ce à quoi elle pensait.

*

Un jour, l’une de ses idées sortit de sa tête et elle ne put la rattraper. Une idée toute bête, mais qui fit beaucoup de dégât : une soirée spéciale chaque année dédiée à l’Autre Monde. Mais elle n’avait ni la date ni les détails : il était beaucoup trop tôt pour que l’idée s’en aille vagabonder ainsi !

Dans l’Autre Monde, ce fut la pagaille, car tous voulurent se préparer pour cette surprenante soirée. Or aucun chef n’était au courant de quoi que ce soit. Très vite, on comprit que Citrouille était derrière tout ça et on fut déçu. Vraiment déçu que cette soirée n’ait pas été correctement organisée.

La petite Fée fut montrée du doigt et comme elle fut incapable de s’expliquer, elle partit s’enfermer dans sa cabane et refusa de sortir. Même ses parents ne purent l’approcher. Si personne ne voulait de ses idées, alors que faire ?

Quand l’arbre dans laquelle elle s’était réfugiée réchauffa son petit cœur, elle eut une idée.

*

Citrouille rejoignit la grande forêt qui dissimulait l’Autre Monde aux yeux de l’humanité. L’été touchait à sa fin, car il faisait déjà un peu plus froid, mais les arbres restaient verts.

Extrayant ses idées une par une grâce à sa baguette, la petite Fée les cacha une par une dans chaque feuille de chaque arbre, pensant ainsi y revenir plus tard lorsqu’elle aurait vraiment besoin de les utiliser. Comme ça, elle choisirait une seule idée à la fois et il n’y aurait plus de dégât.

Citrouille ne vit pas que plus elle avançait, plus les feuilles se transformaient pour se parer d’éclatantes couleurs : jaunes, orange, rouges parfois même violettes. Il y avait de nouvelles odeurs ; des odeurs de mousse et de rosée. Le sol se recouvrait de gland, de bogues, de marrons. Plop ! Poussaient les champignons ! Le vent jouait à cache-cache avec biches et écureuils.

Quand elle eut terminé de cacher ses idées, la forêt en était remplie ! C’est vous dire à quel point sa tête en était pleine.

*

La forêt avait complètement changé.

Dorénavant, plus rien n’était vert, mais ces nouvelles couleurs, Citrouille ne les avait jamais vues ; jamais sur ces arbres millénaires. La petite Fée fut horrifiée : qu’avait-elle donc fait ? Mais les arbres la rassurèrent : comme ils étaient beaux ainsi ! Depuis tout ce temps, leur garde-robe n’avait jamais changé, ainsi ils étaient au fond toujours les mêmes et tellement différents.

Citrouille fut ravie de voir que ses idées ne bouillonnaient plus dans sa tête. Elle se sentait plus libre et plus légère, mais elle savait qu’elle pouvait revenir quand elle le souhaitait pour récupérer une idée et en faire quelque chose de bien abouti.

Soudain, elle fut frappée derrière la tête par son idée de soirée spéciale qui revenait la tourmenter. Mais loin de l’embêter, l’idée vint doucement flotter devant ses yeux attendant une réaction de sa part.

Citrouille réfléchit en observant la forêt parée de ses nouvelles couleurs. En inclinant la tête à droite, les feuilles devenaient un peu plus jaunes. À gauche, elles devenaient un peu plus rouges. Si elle souriait, elles prenaient une teinte orange éclatante. Et une grimace ? Alors elles devenaient foncées comme les mûres ! Elle continua ainsi quelque temps. Les arbres gardèrent bien enfermées ses idées tout en jouant avec la Fée. Et quand une feuille tombait au sol, l’idée s’évaporait, mais il y en aurait bien d’autres après et ça Citrouille l’avait compris.

L’idée de soirée spéciale brilla de plus en plus fort. Elle brilla tellement fort que de l’autre côté de la barrière, on vit la forêt toute d’or et de sang vêtue.

Ainsi naquit l’Automne.

Et par d’autres brillantes idées, la Fée Citrouille devint Fée des Saisons.

*

Mais nous avons oublié quelque chose… La soirée spéciale de l’Autre Monde ? Cette idée : où est-elle passée ?

Et bien, chaque année, pendant que l’humanité lève le nez en l’air pour regarder la forêt changer, dans l’Autre Monde on fait la fête ; une sacrée fête endiablée.

C’est dans cet autre monde où vit la Fée Citrouille, bien cachée derrière une forêt d’idées…

Des news!

Je suis en plein dans la rédaction de mon prochain recueil de contes, toujours aux éditions du Lumignon et toujours avec Sanoe. J’ai la tête remplie de chocolat pour la bonne cause! :-p

Enfin, sortira le 22 octobre mon prochain album avec Magali Garot, toujours chez Nats Editions: http://www.nats-editions.com/produit/defi-halloween/

De quoi passer un joli moment pour Halloween!

[HISTOIRE] La Princesse qui ne voulait pas être sauvée!

Des fois, il y a des petites histoires comme ça qui arrivent et le mieux c’est de les coucher sur papier pour continuer à travailler son écriture. Amusez-vous bien! ^_^

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Il était une fois, une Princesse.

Oui alors ça vous l’avez déjà lu. Des MILLIERS de fois même ! Mais laissez-moi poursuivre…

Il était une fois, une Princesse (donc !) qui s’appelait Blanche-Marie. Elle était enfermée… non gardée… heu ? Prisonnière ? Peu importe, passons…

Blanche-Marie vivait dans une tour (elle dirait une tourelle, mais c’est à peu près pareil…).

Dans une tour donc, avec un Dragon. Un Dragon qu’elle avait prénommé Jupiter. C’était une énorme bête dont la tête touchait presque le toit. Il pouvait à peine bouger sous peine de tout faire s’écrouler.

Jupiter portait autour du cou un étrange collier gravé de runes antiques. Elles brillaient d’un éclat maléfique et souvent, il tentait vainement de le retirer…

Dans le Royaume, le Roi (évidemment, c’est un Royaume…) avait annoncé que quiconque sauverait sa fille des griffes de l’abominable Dragon, se marierait avec elle et bla-bla-bla… comme d’habitude !

Donc, le Roi attendait qu’un preux chevalier libère sa fille adorée.

Des dizaines et dizaines (peut-être même des centaines ?) de chevaliers accoururent de tout le Royaume pour tenter leur chance. Mais il se passait toujours la même chose…

Le preux chevalier, bien équipé, plein de courage, acclamé par la foule, partait en direction de la tour infernale pour vaincre le Dragon et secourir Blanche-Marie. Il gravissait les mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf marches de la tour pour arriver dans la salle au trésor sur laquelle régnait en maître Jupiter.

Et là, plein de stupéfaction et tout stupéfait qu’il était, le courageux chevalier que rien n’ébranlait jamais, trouvait la princesse Blanche-Marie en train de :

  • Faire la lecture à Jupiter
  • Jouer avec Jupiter

Ou pire :

  • Faire des concours de rots avec Jupiter !

Ainsi, après avoir posé ses yeux sur ce spectacle, le splendide chevalier soit :

  • S’évanouissait
  • Partait en courant

Ou pire :

  • Se moquait !

Mais là était l’erreur fatale, car alors la Princesse Blanche-Marie braquait sur lui ses yeux vifs, brillants comme deux émeraudes polies et elle s’écriait :

« Jupiter !!! Brûlez cet insolent ! »

Ainsi le preux chevalier, bien équipé, plein de courage, acclamé par la foule, que rien n’ébranlait jamais, périssait bien malgré lui dans les flammes de Jupiter.

Fin de l’histoire…

Non !! Ne partez pas ! C’était une blague.

Donc.

Des dizaines de chevaliers disparurent ainsi dans la Tour au Dragon (ou la Tourelle de Blanche-Marie ? Peut-être la Terrible Tour de Blanche-Marie et Jupiter). Bref, oublions…

Car il allait sans dire que la Princesse Blanche-Marie ne voulait PAS être sauvée !

Ah voilà ! Maintenant vous restez. Vous êtes intrigués. Parfait ! Je n’ai pas fini…

TOUS les chevaliers avaient disparu.

Oui je sais : c’est AFFREUX !

Le Roi avait perdu espoir de revoir un jour sa Blanche-Marie bien-aimée. Jusqu’au jour où, Gaston (MOI ! C’est MOI ! Désolé…) fit son apparition.

Fils du tailleur de pierres, Gaston était…était… un bon garçon, pas très grand, pas très intelligent et pas très brillant. (c’est pas glorieux, mais c’est la vérité). Quand il partit pour secourir la Princesse Blanche-Marie, ce n’était pas un preux chevalier. Il n’était pas bien équipé. Personne ne l’acclama sur son chemin et il fut TRÈS, TRÈS ébranlé par l’énorme Jupiter.

Mais…

Gaston ne s’évanouit pas. Ne partit pas en courant. Et surtout, surtout, ne se moqua pas de Blanche-Marie et son Dragon.

La Princesse resta interdite devant ce garçon à la mine sale et au veston rapiécé. Gaston prit son courage (qu’il n’avait pas là, tout de suite…) à deux mains et inspecta nonchalamment (oui tout à fait) la gigantesque pièce.

Blanche-Marie l’observa en train d’observer et Jupiter ne le quitta pas des yeux (c’est comme observer, mais en plus méchant) ! Très vite, Gaston se rendit compte que Blanche-Marie n’était pas réellement prisonnière du Dragon. Dans un coin se trouvait un joli boudoir décoré avec goût ; dans un autre une belle cuisine où des mets délicats s’entassaient ; un mur entier était recouvert de livres à reliures dorées. Quelque chose clochait…

Soudain, la terre se mit à trembler.

Imperturbable, la Princesse Blanche-Marie continuait sa lecture, bien assise sur l’épaule de Jupiter. Le Dragon se grattait le cou avec frénésie, provoquant ces violents tremblements. Et c’est à ce moment-là que Gaston (toujours moi !) le vit.

Le collier de runes antiques brillant d’un éclat maléfique.

« Ma chère, votre Dragon semble dans état tout à fait déplaisant. Laissez-moi l’aider, dit Gaston en baissant bien bas la tête. »

À ces mots, Blanche-Marie ferma brusquement son livre. Ses yeux s’écarquillèrent et un large sourire fendit son doux visage.

« Procédez mon ami, répondit-elle avec grâce. »

Gaston grimpa sur le corps de Jupiter (bien pire que gravir mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf marches…). La Princesse chuchotait à l’oreille de son Dragon pour le calmer et par la même l’empêcher de dévorer le garçon…

Arrivé sur son épaule, Gaston sortit une longue pique en fer de sa sacoche provoquant une violente réaction chez le Dragon.

« Mon ami …

– Jupiter, chuchota Blanche-Marie à Gaston.

– Jupiter, mon ami, reprit Gaston un brin tremblant, je ne souhaite pas vous faire de mal. Laissez-moi juste regarder votre collier. »

Alors que Jupiter le fixait nerveusement, Gaston inséra sa pique entre le cou du Dragon et le collier de runes. Il poussa, tira de toute ses forces. Il y mit beaucoup de cœur et de volonté. Ruisselant de sueur, Gaston sortit finalement son burin et tapa sur le collier.

L’objet se brisa d’un seul coup, projetant les runes magiques (toujours brillant d’un éclat maléfique bien sûr…) qui se partirent en poussière une fois au sol.

L’énorme tour disparut soudain laissant place à un magnifique jardin verdoyant. Le Dragon s’élança dans les airs avec des bonds de joie, la Princesse Blanche-Marie toujours assise sur son épaule.

La suite, mes amis, n’est pas très compliquée.

J’eus l’immense honneur d’épouser la Princesse Blanche-Marie et Jupiter protège maintenant notre Royaume.

(Toussotements féminins)

Ah oui ! Ma douce amie ici à mes côtés, tenait aussi à vous rappeler, qu’une Princesse n’est pas toujours en danger : d’autres aussi parfois, on besoin d’être sauvé…

[SPECIAL HALLOWEEN] Tête de citrouille!

Un petit conte pour Halloween 2015!

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Vous pensez tout savoir sur la fête d’Halloween, mais vous vous trompez !

Car vous ne connaissez pas l’histoire de Tad O’Maley, ce petit garçon de neuf ans qui changea à jamais la nuit du 31 octobre…

Tout commença en 1845, en Irlande pendant An Gorta Mó, la Grande Famine.

Dans le Nord, s’étend la province de l’Ulster. Et dans le comté de Donegal il y a la ville de Dungloe. A l’époque, Dungloe n’était encore qu’un village. Dominée par les landes et les tourbières, la région était durement frappée par la famine et les habitants mourraient de faim.

C’est dans ce village d’à peine cent âmes que vivait le petit Tad O’Maley. Orphelin de mère, il vivait avec son père le bûcheron et ses sœurs jumelles. La famille n’était pas la plus pauvre, mais on n’aimait pas beaucoup les O’Maley.

La mère avait été la meilleure guérisseuse du comté, mais on racontait que la folie l’avait emportée alors qu’une simple fièvre avait eu raison d’elle. Quant au petit Tad, une particularité physique effrayait tout le village : ses yeux vairons ! De plus, ses étranges habitudes alimentaires finissaient par éloigner tout le monde de la famille.

Tad O’Maley mangeait à tous les repas courges, courgettes, potirons, potimarrons, citrouilles ou butternut.

En salade, en soupe !

Froid ou chaud !

Cuits ou crus !

Farcis ou nature !

Salés ou sucrés !

Dehors ou dedans !

En hiver, comme en été !

À cause de ça et malheureusement pour lui, ses camarades l’avaient surnommé « Tête de Citrouille ».

Ses sœurs Barran et Moira se battaient contre les autres enfants pour défendre leur petit frère. Souvent, elles rentraient chez elles avec une punition du maître qui les surprenait en train de cogner sur leurs camarades. Crevan le bûcheron n’avait jamais réprimandé ses filles, car le pauvre Tad était un enfant travailleur et valeureux qui ne méritait pas les brimades de ses camarades.

Mais tout cela, c’était avant An Gorta Mó. Car quand la nourriture vint à manquer, les O’Maley furent aussi touchés que les autres. Seulement, si chacun se serrait les coudes, personne ne faisait attention à eux.

Bientôt, Barran tomba malade et lorsqu’elle perdit la vie, Moira se laissa mourir de chagrin. Il ne resta plus que Crevan, fatigué et le petit Tad que plus personne ne défendait.

Chaque jour, Tad O’Maley rentrait de l’école avec des bleus et des blessures. Alors son père décida qu’il n’irait plus à l’école et chercherait dans la nature de quoi survivre avant que la famine ne s’achève enfin.

*

Le matin du 31 octobre 1848, Tad déambulait dans la forêt comme tous les jours pour espérer de quoi nourrir son père. Depuis plusieurs semaines maintenant, le petit garçon souffrait d’une terrible toux le contraignant à se taire, mais pour rien au monde il n’aurait laissé son père mourir de faim.

O’Maley avait deux champignons serrés contre son cœur, à l’intérieur de son manteau rapiécé. Il suivait depuis quelque temps les traces d’un lièvre sur lequel il voulait mettre la main et espérer ainsi tenir plusieurs jours. Mais son attention fut soudain détournée par une danse de feu follet, à l’entrée du cimetière.

L’endroit ne dérangeait pas le garçon qui depuis la mort de ses sœurs, il y avait plus d’un an maintenant, venait régulièrement leur rendre visite. Il fleurissait avec soin leurs tombes, les seules qui restaient encore présentables, car chacun pensait à remplir son assiette plutôt qu’à honorer ses morts.

Le jeune O’Maley suivit les feux follets au cœur du cimetière. Là, il observa leur folle danse autour des tombes, fasciné par leurs jeux de lumière.

Quand il se retrouva seul, Tad en profita pour rendre visite à ses sœurs, avant de continuer ses recherches de nourriture. Mais en se relevant, il se rendit compte que ses pieds étaient presque gelés. Il eut du mal à se rendre auprès de Barran et Moira. Une bourrasque le poussa contre les pierres tombales. Une quinte de toux le prit ; si violente que son corps tremblait. Ses précieux champignons chutèrent.

Tad s’empressa de rechercher le précieux repas, mais la neige les avait déjà engloutis. Alors, le petit garçon pleura. Il pleura fort et longtemps ; ses larmes roulant sur les deux tombes de ses sœurs.

Soudain, collée contre la tombe de Moira, il aperçut une petite chose orange. Déblayant la neige autour, il mit la main sur le plus beau des trésors : une petite courge bien mûre ! La cucurbitacée lui redonna du courage. Il croqua à pleine dent dans le légume juteux et étrangement chaud.

Mais vous vous doutez bien que ce serait beaucoup trop facile et surtout beaucoup trop beau pour Tad O’Maley…

Car à nouveau l’enfant fut pris d’une quinte de toux.

Et une terrible chose arriva.

Tad s’étouffa avec un pépin de citrouille. Un tout petit pépin qu’il aurait avant bien vite digéré. Mais An Gorta Mó en avait décidé autrement…

Devant les tombes de Berran et Moira, Tad tenta vainement de déloger le pépin coincé au fond de sa gorge. Il toussa, cracha, avala de la neige, mais rien n’y fut.

Alors, Tad O’Maley, neuf ans, s’éteignit.

Il se passa alors une chose tout à fait incroyable.

Dans un brouhaha qui fit trembler la terre, une cohorte de courges, courgettes, potirons, potimarrons, citrouilles et butternut pénétrèrent dans le cimetière. Roulant sous le corps de Tad, ils l’emportèrent dans la forêt, guidés par une farandole de feux follets.

Le soir, ce même jour du 31 octobre 1848, Crevan pleura la mort de son dernier enfant.

Alors que chacun préparait bougies et offrandes pour le 1er novembre, le village fut soudain illuminé de grands feux. L’on vit rouler des courges et citrouilles devant chaque maison. Des corbeaux se postèrent sur les cheminés et dans un grand fracas, Tête de Citrouille pénétra dans le village.

Tad O’Maley arborait fièrement une grosse citrouille à la place de la tête. Ses jambes maintenant longues comme des échasses craquaient à chaque pas. Crevan reconnut son fils aux yeux vairons qui fixaient les habitants d’un regard amusé.

Autour de lui les enfants couraient en criant. Tête de Citrouille lançaient courgettes et courges, potirons et potimarrons aux habitants en éclatant d’un faux rire sinistre. On se pressait pour récolter les précieux légumes.

Poussant des « booo ! » et des « argh !!! », il se précipitait auprès des enfants.

Tad « Tête de Citrouille » O’Maley ne s’était jamais autant amusé. Comme ils avaient peur de lui, ces enfants qui le battaient avant ! Mais ils revenaient vers lui, mi- effrayés mi- amusés.

Quand il quitta le village ce soir-là après la nuit la plus festive depuis plusieurs années, les enfants semblaient tristes de son départ et les adultes étaient redevenus des enfants.

En allant se coucher, chacun trouva sur son oreiller un petit pépin de citrouille doré qui donna de beaux légumes.

Et le village fut sauvé !

Pauvre Tête de Citrouille qui s’en retourna vivre caché dans le cimetière !

Mais le petit O’Maley fut bien surpris l’année d’après, car enfants et parents en redemandaient. Tad se creusa la tête, car il fallait trouver de nouvelles idées pour faire oublier aux villageois leurs difficiles conditions de vie.

Une cohorte de squelettes ?

Une araignée géante ?

Ou peut-être des chauves-souris avides de sang frais?

Non. Une tête coupée ?

Ou un pied arraché ?

Tête de Citrouille était en ébullition : il y avait tellement de choses à inventer…

La complainte de Lorelei

Voici mon texte dans le cadre du challenge Citrus Jeunesse qui s’est déroulé en Août.

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Capitaine du Trèfle Rouge, Thorfrid était un pirate Viking de renom, voguant à présent en direction de l’Irlande, cette île fraîchement découverte. Son équipage le suivrait au bout du monde, lui qui leur avait trouvé des trésors inestimables mettant à l’abri leur famille pour un certain temps.

Pour cette nouvelle expédition, Thorfrid devait rejoindre son frère Bjarni qui constituait une colonie à Lough Neagh. Il avait découvert une grotte secrète dans laquelle, il l’espérait, gisait un trésor. Mais pour partir à la découverte de ce lieu, Bjarni attendait son aîné à qui il devait toutes ses compétences en piraterie.

*

Lorsque Thorfird accosta en Irlande, ses hommes se jetèrent dans le lac, se délectant d’une bonne eau propre sur leur corps sale et malodorant. Ils furent accueillis par une grillade de poissons fraîchement pêchés qu’ils avalèrent goulument.

Thorfid passa la soirée auprès de Bjarni pour organiser leur chasse au trésor le lendemain matin.

Le sommeil du pirate fut agité. Toute la nuit, une longue complainte résonna dans la lande. D’abord, les Vikings prirent ça pour le vent, mais reconnurent rapidement une douce voix féminine les appelant à la rejoindre dans l’onde. Le lendemain matin, deux membres de l’équipage du Trèfle Rouge avaient disparu. Thorfird les fit rechercher, mais les pirates restèrent introuvables. Le capitaine décida néanmoins de partir à la découverte de cette grotte secrète, vantée par son petit frère.

Menant l’expédition, Thorfird pénétra dans l’impressionnante caverne surplombée de tranchantes stalactites. L’eau du lac se déversait jusqu’au fond de la grotte et le clapotis de l’eau résonnait. Les échos étaient tels que les membres d’équipage resserrèrent leur main sur leur épée en pensant qu’un quelconque géant viendrait les attaquer.

Ils n’avaient pas parcouru la moitié du chemin quand la complainte se fit de nouveau entendre. Une voix douce et mélodieuse, mais d’où pointaient des accents d’avertissement et de tristesse. Soudain, leurs torches s’éteignirent et la peur s’empara des rangs. Les Vikings coururent jusqu’au fond de la grotte où les attendait un trésor, bien gardé derrière une porte en fer. Les yeux de Bjarni s’agrandirent de plaisir et il frappa sur l’épaule de son frère en souriant de toutes ses dents. Thorfird, plus prudent, invita ses compagnons à attendre avant de se jeter sur la pile d’objets précieux.

D’ailleurs, il ne s’agissait pas d’une pile, mais de trois couronnes en or serties de perles de nacre et d’un saphir au centre. Les pierres brillaient de mille feux et semblaient appeler les pirates. Deux d’entre eux se firent avoir.

Se glissant auprès des couronnes malgré les avertissements du capitaine, ils furent happés par un trou d’eau juste devant la barrière qu’ils agrippaient de toutes leurs forces pour la faire céder. Les mains de l’un d’entre eux restèrent collées aux barres de fer.

Bjarni lança une pierre dans le trou qui fut immédiatement avalée telle une huitre se refermant sur un grain de sable. Thorfird interdit à tous de s’approcher du trésor avant d’avoir trouvé un plan pour échapper au piège.

Cette nuit-là, ils décidèrent de camper dans la grotte, veillant le trésor comme un enfant chéri.

Cette nuit-là encore, la complainte résonna sur Lough Neagh. Alors que l’équipage du Trèfle Rouge dormait, Thorfird se leva et avec prudence retourna à l’entrée de la grotte.

La pleine lune se découpait sur le lac paisible. Une chouette hulula et un loup dans le lointain lui répondit.

C’est alors qu’il la vit.

Tressant des algues dans ses cheveux de jais, assise sur un rocher à quelques mètres de la plage, Lorelei la sirène chantait en fixant de ses yeux verts d’eau Thorfird. Accrochés aux rochers pendaient les têtes de ses compagnons de voyage disparus la nuit précédente. Le capitaine viking frissonna, mais ne put s’empêcher de s’approcher un peu plus pour dévisager la magnifique créature.

Sa peau de lait parfaitement lisse et perlée d’eau douce brillait.

Ses cheveux ondulaient au gré de la brise nocturne, ses délicates mains baguées d’anneaux de corail les tressant avec patience et soin.

Lorsqu’elle chantait, sa bouche rouge s’ouvrait sur de petites dents aiguisées, blanches comme la neige.

Thorfird se retrouva dans l’eau jusqu’à mi-genoux, tendant la main vers la délicieuse créature qui s’était arrêtée de chanter. Glissant hors de son rocher, la sirène perdit sa queue argentée pour des jambes fuselées. Elle s’approcha du pirate à petits pas, révélant sa splendide nudité, ses longs cheveux battant ses hanches. La créature s’arrêta à quelques centimètres de Thorfird humant avec force les odeurs mêlées de cuir et de sueur du viking.

Le capitaine du Trèfle Rouge se laissa dévisager par la sirène qui lui tournait autour en effleurant délicatement une épaule ou une mèche de cheveux. Le Viking sentit son sang s’accélérer : il aurait bien voulu la toucher, caresser ses cheveux et descendre un peu plus bas auprès de ses reins qui l’appelaient, mais il n’en fit rien et attendit.

La divine créature se lova alors contre lui et lui glissa à l’oreille :

« Les couronnes sont à moi. Ne les touche pas. »

Puis le poussant vivement vers la plage, elle se retourna pour plonger dans l’eau, emportant avec elle le rocher aux têtes coupées.

Thorfird se retrouva assis sur le sable, les pieds trempés, une algue derrière son oreille. Il retourna sans un bruit se coucher auprès de ses compagnons. Le vaillant Viking passa une nuit agitée où ses rêves le menèrent auprès de la sirène qu’il aima avec passion et d’hommes s’entretuant pour des couronnes. Alors qu’il goûtait pour la dixième fois à la peau nacrée de sa sirène, son rêve se teinta de sang ruisselant le long de la poitrine de la créature. Il se réveilla en sursaut alors que le soleil venait à peine de poindre à l’horizon, sa couche trempée de sueur.

*

Le Trèfle Rouge rentra au Danemark sans trésor.

Et sans son capitaine…

Car le lendemain, lorsque Thorfird annonça à ses hommes qu’on ne toucherait pas aux couronnes, la colère s’empara des pirates qui refusaient de quitter Lough Neagh sans leur butin. Ils essayèrent de lui faire entendre raison, mais le capitaine pirate ne changea pas d’avis. Il disait le lieu maudit et ne voulait pas perdre d’autres hommes. Bjarni et ses hommes connaissaient la valeur de Thorfird et ils préféraient l’écouter. Après tout, protéger ses compagnons était une belle preuve de loyauté de la part du chef de leur communauté.

Mais l’équipage du Trèfle Rouge se mutina. S’ensuivit un violent combat contre les compagnons de Bjarni qui défendaient leur chef. Plusieurs perdirent la vie et il fut décidé d’abandonner Thorfird dans ce lieu encore inhabité. On donna le commandement du navire à Bjarni qui n’eut d’autre choix d’accepter pour garder la vie sauve. Thorfird ne vit pas se dessiner sur le visage de son jeune frère un rictus vengeur…

Le soir même, lorsque ses compagnons furent partis, Thorfird s’allongea sur la plage en regardant la lune. Il ne sut pas à quel moment il s’était endormi, mais se fut Lorelei qui de nouveau le tira de son sommeil.

La sirène ne chanta pas longtemps et vient à la rencontre du Viking. Elle lui prit la main et l’entraîna au fond de la grotte. Ouvrant la porte de fer, elle s’approcha des trois couronnes avant d’entonner un chant d’une infinie mélancolie. Alors, les trois scintillants objets se soulevèrent pour révéler trois jeunes filles au visage défiguré par ce qui semblait être des coups d’épée. Leur queue reposait tristement dans le peu d’eau qui arrivait jusqu’au fond de la caverne, entravée par de lourdes chaînes.

La sirène aux cheveux de jais invita Throfird à la rejoindre. Le Viking voulut éviter le piège, mais à sa grande surprise, il ne s’actionna pas. Observant avec attention les autres sirènes, il plongea dans leurs yeux verts d’eau, les mêmes que sa belle sirène.

Et alors il comprit.

Il comprit que Bjarni lui avait caché la vérité. Ils avaient trouvé ce trésor bien avant son arrivée et lui et ses hommes avaient abîmé ces pauvres créatures. Il approcha sa main vers elles et toutes eurent un mouvement de recul. Les dents pointues de la belle sirène sortirent, ses yeux lançant des éclairs. Mais alors qu’elle était sur le point de le mordre, Thorfird retira délicatement les couronnes des prisonnières, les jetant à l’eau. Il brisa leurs chaînes, s’arrachant les paumes des mains. Avec finesse, il les transporta une par une dans le lac Neagh où elles retrouvèrent avec joie leur élément.

Ce soir-là, la belle Lorelei ne chanta pas sa complainte assise tristement sur son rocher. On entendit loin dans la lande les soupirs de la belle dans les bras de son amant.

Un zombie n’est plus rien

C’est Halloween ce soir, alors voici le conte 2014

Bloody Lane était désertique.

Le quartier s’était peu à peu vidé de ses habitants. Certains avaient fui, mais d’autres restaient étendus sans vie sur les trottoirs ou les toits des voitures.

On entendait les feuilles glisser sur le pavé. Un bruit habituellement imperceptible devenu beaucoup trop bruyant pour les oreilles fragiles d’Emilio. Rôdant autour des maisons vides, le jeune homme reniflait l’air à la recherche de quelque chose.

Ou plutôt quelqu’un…

Car toutes les maisons n’étaient pas vides. Dans l’une d’entre elles, une riche demeure maintenant lourdement barricadée, vivait la famille Bones. Et dans cette famille, il y avait Camille, la fille aînée. Par la fenêtre de sa chambre, lorsque ses parents ne regardaient pas, Camille observait Emilio traîner ses jambes en grognant. Elle savait qu’il la cherchait.

Elle se souvint alors de ses origamis qu’il lui glissait en secret pendant les cours. Toujours habilement pliés et complexes. Elle les gardait dans le tiroir de sa table de chevet. Parfois, elle les sortait pour les faire défiler une à une devant la fenêtre. Alors Emilio s’arrêtait et Camille l’avait déjà vu sourire.

De son côté, Emilio se souvenait vaguement de son ancienne vie, mais quand il voyait Camille à sa fenêtre, il était alors persuadé de ne pas avoir toujours été ainsi. Dans ces moments-là, il aurait voulu lui dire qu’il avait été amoureux d’elle. Tous les jours, même quand il arrachait la tête d’un pigeon ou plongeait ses mains dans le ventre d’un chien errant, il se forçait à garder en mémoire cette jeune fille.

Il avait été bête, terriblement bête, de ne pas s’être caché dans la demeure de la famille Bones le jour où le quartier avait été contaminé. Mais il avait voulu sauver sa voisine, la vieille mademoiselle Crush. Il s’était fait mordre au moment où Camille refermait la porte de sa maison derrière elle, implorant son père de l’aider.

Emilio avait perdu la vie. La vieille Crush aussi.

Maintenant, il était condamné à devenir une Chose dénuée de sentiments, de souvenirs et de dignité. Cela faisait deux semaines maintenant et sa mémoire lui échappait. Alors quand Camille lui montrait ses origamis, il savourait avec plaisir les dernières miettes d’humanité qui lui restait.

Un jour, Camille avait fait monter sa mère pour lui montrer les réactions d’Emilio.

« Je crois qu’il sait toujours qui je suis. Il m’aime bien, avait-elle dit dans un sourire presque forcé.

– Un zombie ne se souvient de rien. Il n’aime rien. Il n’est plus rien, Camille ! avait déclaré sa mère froidement, fermant brusquement les rideaux de la chambre ».

Depuis ce jour, Camille n’adressait plus la parole à sa mère.

*

Camille avait immédiatement été fascinée par le nouveau comportement de ses anciens voisins. Elle prenait des notes dans un carnet déjà bien griffonné. Même son père, biochimiste émérite, avait laissé tomber. Mais la jeune fille voulait comprendre. Elle pensait que quelque part en eux, existaient encore des « particules d’humanité » comme elle les appelait.

Son principal sujet restait Emilio, son ami et voisin de cours pendant trois ans. Il faisait partie de sa bande tout comme sa meilleure amie Lucie, le terrible Antonin et son jumeau Pablo.

Elle l’avait déjà vu dévorer un écureuil juste sous sa fenêtre. Fermant  les yeux, elle s’était souvenue du gâteau d’anniversaire qu’il lui avait cuisiné pour ses seize ans. Elle avait souri et en rouvrant les yeux, Emilio la regardait, la tête penchée sur le côté, du sang barbouillant son menton et ses joues.

Dans ces moments-là, elle voulait pleurer et ne plus jamais le regarder.

Dans ces moments-là, il la dégoûtait, mais elle oubliait ce qu’il était devenu et ressortait ses origamis, juste pour le voir sourire

*

Emilio voulait quitter Bloody Lane. Mais avant, il devait dire adieu à Camille.

Il avait tout prévu. Même un nouvel origami, de travers, mal plié et tâché de sang, mais un origami quand même.

Oui, Emilio avait tout prévu, sauf peut-être une chose…

Alors que la famille Bones pensait finir ses jours barricadée dans leur immense demeure, un énorme 4×4 fit son entrée dans Bloody Lane avec à son bord la tante de Camille, sœur de sa mère.

Fonçant à toute allure dans la rue, le bolide écrasa une dizaine de zombies, répandant une affreuse bouillie sur les trottoirs. Tout en klaxonnant comme une furie, la tante de Camille ouvrit sa fenêtre et hurla à la famille de sortir.

Au moment où les Bones quittèrent leur cachette, Emilio lui, appliquant son plan bien rôdé, se traîna jusqu’au portail, son origami au creux de sa paume ensanglantée.

Oui Emilio avait tout prévu, sauf de se faire percuter par le 4×4.

Tout prévu, sauf peut-être Camille qui sortit au même moment et vit son ami coupé en deux par sa tante en furie.

Alors que tout le monde grimpait dans la voiture, Camille resta figée. Elle vit l’origami déchiqueté à côté du corps d’Emilio en aussi mauvais état. Elle voyait ses paupières bouger et entendait son souffle rauque.

Camille regarda Emilio dans le blanc des yeux et à ce moment-là, elle sut.

Elle sut que jusqu’à maintenant, il se souvenait d’elle. En prenant l’origami dans ses mains, Camille se demanda pourquoi elle ne lui avait jamais dit être amoureuse de lui.

Alors la jeune fille se baissa près de son ami, près de son visage ; encore plus près, jusqu’à poser sa bouche contre l’une de ses oreilles. Malgré les hurlements hystériques de sa mère, elle murmura ceci à l’oreille d’Emilio :

« Moi aussi, Emilio, j’étais amoureuse de toi. »

Lorsque le jeune homme s’éteint, un sourire sur les lèvres, Camille Bones se jura de savourer pleinement la vie.

(@)ClémentineFerry